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No36
   11-avril-2003   

LA SECURITE ET LA SANTE AU TRAVAIL SONT-ELLES GARANTIES A L'USINE DE GRIGNY? (Quatrième partie)
4) LES ENSEIGNEMENTS DE L'ENQUETE SECURITE FIN 2001 A GRIGNY

Coca-Cola au service de la sécurité?

Les Directeurs, surtout la première année de leurs trois ans règlementaires sur le site, mettent tous en avant une volonté de "zéro accident" avec parfois concours à l'appui. Plutôt que d'acheter un mini-extincteur pour les équipes gagnantes, on préfèrerait que l'argent soit utilisé pour la prévention des postes.
On fait des investissements pour permettre la réalisation de demandes de clients ou les mesures évitant des plaintes consommateurs. Pourquoi pas un gouvernement de Coca-Cola qui décide d'investir en grand dans la sécurité. Car au fond, les priorités de dangerosité faites dans l'évaluation des risques ne sont-elles pas le cache-sein de la misère du budget sécurité?

Remarques sur l'enquête sécurité:

L'employeur ne fait pas rien pour réduire l'insécurité des salariés, même s'ils se demandent s'il ne pourrait pas faire plus.
En tout cas, il a réalisé en fin 2001 une enquête sécurité et les présentations qu'il en a fait dans un souci de compte-rendu sont pleines d'enseignements. Il fallait oser faire l'enquête et Coca-Cola a osé rendre public ses résultats.
Le CHSCT:
On est d'abord étonné du peu de visibilité qu'ont les salariés des réunions du CHSCT. Il est vrai que les affichages ont lieu trois mois après, ce qui n'incite guère à la recherche d'informations que l'on connaît déjà sur le terrain ou dans les discussions de pause. L'affichage d'un procès-verbal de plus de dix pages n'est pas obligatoirement le meilleur moyen dans une ambiance où le bruit est assourdissant. On ne connaît pas encore la mise à la cafétéria des procès-verbaux comme le fait le Comité d'établissement, près de deux ans après le constat de manque. L'encadrement fait cependant un travail d'information bien perçu sur les postes et les salariés se sentent très concernés par ce qui va conditionner leur vie future.
L'écoute:
On est étonné de la différence notable existante entre le responsable hiérarchique qui parle sécurité et le responsable hiérarchique qui écoute les remarques sécurité des opérateurs. Il faut un peu forcer la voix pour se faire entendre.
La dangerosité:
On est encore étonné de la différence du perçu de la dangerosité des comportements par l'encadrement et par les opérateurs. Il est vrai que les comportements dangereux sont des ordres ou sinon des tolérances si on ne dit rien. Celui qui se met en danger est plus conscient du danger que celui qui met en danger. Cela montre qu'il faut encore plus d'écoute par l'encadrement, et si possible collective en réunion d'équipe.
Les procédures:
Sur la responsabilité qu'on prend de lire ou non les procédures, on est un peu effrayé par le notable aveu d'une partie de l'encadrement qui estime pouvoir se passer des procédures pour travailler. Et quand pour un manager travailler c'est faire essentiellement travailler, on comprend mieux que parfois l'origine des accidents peut être due à quelque chose de différent de la machine ou de l'accidenté lui-même. Les opérateurs sont moins gênés par la lecture des procédures et le trop de procédures mis en cause doit plutôt cacher un manque de temps pour lire chaque fois qu'il serait nécessaire.
L'équipe:
La peur de faire fi publiquement de la sécurité est mieux perçue par l'encadrement que par les opérateurs, même si ces derniers ont conscience du regard réprobateur des autres membres de l'équipe et de leur possible réaction. Peut-être l'encadrement pourrait améliorer cette conscience de l'équipe en faisant plus réagir les salariés en réunion d'équipe sur des situations concrètes plutôt que sur des mots en projection de transparents.
La formation:
Il est un domaine où l'encadrement et les opérateurs sont quasi à égalité. Le contraste entre leur conscience du danger et le manque cruel d'information à travers les formations. L'encadrement ne peut informer que de ce qu'il connaît, et si on ne lui a pas communiqué l'information, il est sûr qu'elle ne redescendra pas. Trier les risques est plus difficile que trier les déchets. Il faut une compréhension du pourquoi car ce sont des hommes qui circulent et non des objets.
La négligence:
Les opérateurs ont une meilleure vision que l'encadrement du danger auxquels les autres se mettent, et cela correspond normalement à la meilleure connaissance du danger, par expérience directe.
Les difficultés:
Parmi les difficultés du travail, trois rôles étaient proposés: les équipements, les procédures et l'effectif. Le rôle dominant de l'insuffisance des effectifs dans certaines opérations est bien perçu par les opérateurs comme générateur de risque, et l'absence des équipements de protection suit.
Le travail réel:
Le travail réel est loin de se faire selon les procédures établies, et l'encadrement, sans doute plus connaisseur du détail, est encore plus conscient que les opérateurs du contraste entre les procédures et le travail réel. "Vdoc" a simplifié les délais de modification mais ne règle pas le problème de fond et si la lourdeur des procédures est vue comme une des causes, la formation doit certainement constituer la deuxième cause.
L'information:
L'employeur fait bien son travail d'information des salariés après les accidents. Par contre, les salariés perçoivent que ce qui a failli arriver méritait tout autant d'être transcrit et ils ressentent forcément ce manque car finalement le danger est le même dans les deux cas et ils sentent bien que cela peut arriver et que la transcription a peut-être un rôle pédagogique plus important que la formation abstraite.

L'utilité des enquêtes sécurité:

Les enquêtes sont utiles car comment agir si on ne sait pas par où commencer à dérouler un fil emmêlé.
Les enquêtes sont difficiles car la question peut orienter la réponse, même si le choix est multiple. Il est difficile de répondre si on ne sait pas exactement de quelle période on parle, tant tout peut changer d'une année sur l'autre, et en tout état de cause d'un Directeur à l'autre. Il y aurait intérêt à mieux situer la période de référence si l'on veut avoir des réponses à intervalles réguliers. Dans le doute, le salarié peut avoir tendance à noter la moyenne entre deux périodes qu'il a connues et cela peut entraîner un pessimisme ou un optimisme qui n'est peut-être pas la photo de l'époque.

L'utilité de l'évaluation des risques sécurité:

Au delà de l'enquête, les obligations légales qu'a rempli l'employeur avec l'analyse des risques sécurité de chaque poste étaient importantes et c'était un pas de plus vers la sécurité. L'avenir dira, par le suivi qu'il y aura, si les salariés ont eu ou non raison de croire qu'un avenir plus sécurisé du travail était possible ou non à Grigny.

Quel est le dialogue entre manager et managé sur la sécurité?

Au delà de l'étude des risques sécurité, les salariés attendent de la sécurité et c'est d'un dialogue avec leur encadrement qu'elle viendra. On a trop l'impression que celui qui a eu le malheur d'avoir un accident dans l'année a peu de chance d'avoir des points au mérite. C'est absurde et ce n'est pas fait pour améliorer le dialogue nécessaire entre manager et managé sur l'amélioration de la sécurité des postes.


   top.gif    Dépôt CCE Grigny: 11-avril-2003   
   c.gif    Responsable de publication: André PUJOL