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No23
   14-août-2001   

LE SALARIAT CHEZ COCA-COLA

Le salariat, c'est la vente de sa force de travail et de ses compétences en fonction d'un contrat conclu entre un citoyen et une entreprise. En pratique, en échange de la fourniture d'un travail exercé selon un lien de subordination, le respect d'un règlement intérieur et avec des moyens mis à disposition par l'employeur, le salarié reçoit la rémunération prévue par le contrat signé et bénéficie d'avantages supplémentaires prévus par les accords d'entreprise et la convention collective.
Le contrat de travail est un contrat civil et ce n'est pas le rompre si on se met en grève (c'est seulement une "suspension"), ce n'est pas y porter atteinte si on souhaite le modifier (c'est une "revendication" ou une "réclamation") et ce n'est pas y contrevenir si on ne continue pas en permanence ce qui n'y figure pas (c'est au contraire le respecter).
L'appellation des postes, leur qualification et leur positionnement sont prévus par les conventions collectives car les employeurs et les salariés y ont trouvé un intérêt réciproque dès lors que des salariés sont embauchés en venant d'une autre entreprise avec une expérience professionnelle. Des accords d'entreprise peuvent en prévoir de meilleures adaptations.
L'"Accord sur la grille de classification" signé chez Coca-Cola Entreprise ne comprend plus guère que la moitié des postes existants dans l'entreprise. Contrairement aux obligations de dénonciation et renégociation prévues dans l'accord, l'employeur en a fait apparaître ou disparaître par simple information en Comité d'établissement à l'occasion de consultations pour des modifications d'organisation de services. Ces mises en place ou ces mises à la trappe ne sont qu'un "engagement unilatéral de l'employeur".
Quand un employeur ne veut pas modifier un accord existant par la négociation, il ne doit pas s'étonner du laisser-aller, de la mauvaise ambiance, des tracts ou des arrêts de travail qu'il suscite. Le salarié n'est pas un esclave et la révolte d'un salarié est explicitement prévue par la Constitution: la grève (bien que le salarié gréviste ne soit pas payé, son temps de grève est assimilé à du temps de travail effectif et donc ouvre droit au calcul des congés payés).
La grève est une action concertée en vue d'une revendication. Cette action concertée crée forcément une perturbation dans l'entreprise, selon la forme, le moment, la durée, l'ampleur ou la répétition de l'arrêt de travail. Dans la fonction publique ou certains secteurs du privé à production dangereuse, des préavis peuvent être obligatoires. L'annonce préalable d'une grève, qu'elle soit obligatoire ou de bonne volonté (car tant qu'on n'a pas à faire à un extraterrestre de cinéma, on peut bien s'imaginer qu'un patron peut préférer anticiper) est donc forcément implicitement un chantage. Si un employeur se plaint d'un chantage, c'est simplement qu'il préfère céder sous la pression que sous la menace puisqu'il a le choix.
En tout as, une seule chose est sûre. On a pu voir des employeurs accorder individuellement des augmentations de rémunérations ou collectivement des primes (genre "booster" car le pourcentage que touche le salarié n'est pas proportionnel à l'avantage qu'en retire l'entreprise puisque dans le meilleur des cas il ne touche qu'une fois sur deux), mais on serait très surpris de voir un employeur accorder collectivement ou à un ensemble de salariés une augmentation de rémunération. On ne fait malheureusement pas l'économie d'une grève s'il n'y a pas une négociation véritable (et quand la négociation est refusée par l'employeur ...).Tout juste a-t-on vu dernièrement chez Coca-Cola des postes augmenter de base parce que les embauches devenaient difficiles au coefficient institué (c'est donc sous la pression du marché de l'emploi, le chantage de la réalité extérieure, que l'employeur a fait son mea culpa si l'on peut dire).
Force Ouvrière soutient les salariés qui estiment collectivement que le travail qu'ils donnent n'est pas assez reconnu par rapport au marché de l'emploi ou qu'ils méritent individuellement une meilleure considération.


INTERVIEW: OU EN EST LA MAINTENANCE?

A l'expérience, qu'a apporté l'introduction d'un management maintenance propre dans les équipes?

  • Les trois chefs d'équipes maintenance créés ont permis une meilleure relation entre la production et la maintenance. Ils servaient de tampon entre l'intervenant et le responsable de production. Cela a aussi permis une meilleure organisation du travail et moins de stress pour les intervenants car l'opérateur a envie qu'on lui répare sa machine de suite alors que l'intervenant a une disponibilité d'intervention pour l'ensemble d'un parc machines.
  • Les RI on en a besoin, car ils nous apportent leur compétence et c'est un appui sur le terrain. Je serais plus pour 3 RI postés comme cela avait été prévu à l'origine et pas que 2 en journée comme actuellement. C'est bien pour eux, mais pour les besoins du service, avec des niveaux 3 qui passent RI comme on l'avait prévu à moyen terme, cela serait mieux. C'est un peu pagaille avec un RI en vacances car celui qui reste ne peut pas tout gérer. Avec un RI posté par quart, on apprenait plus, cela allait mieux sur le terrain et en management. Un RI qui fait du bureau, ce n'est peut-être pas son travail.
  • Pour le process-soufflage, une nouvelle organisation se met en place. Il faut laisser venir pour voir.
  • Comment voyez-vous la suppression du couple préventif-curatif en maintenance?

  • C'est une bonne chose car à moyen terme c'est de faire 80% de préventif et 20% de curatif. Avant, il y avait une coupure. Plus vite on aura fini le programme de dépannage, de curatif, plus vite on fera du préventif. Il faut une seule entité et non deux groupes avec des inégalités et des tensions.
  • Aujourd'hui, nous faisons plus de l'entretien à niveau d'un parc machines que de la maintenance, c'est-à-dire nous sommes juste là pour maintenir au niveau actuel le parc et faire quelques changements lorsqu'il y a de la casse, plutôt que de la maintenance pure et simple. En un mot, lorsqu'on s'aperçoit d'une baisse de rendement d'une machine, il faudrait pouvoir rechercher la cause à effet et intervenir. Mais pour cela, il faudrait avoir les machines à disposition et pas seulement dans l'urgence des petites réparations le lundi. On peut rappeler que l'employeur avait doublé son parc machines (Kisters, Etitec, ...) dans cet objectif là.
  • Les réunions permettent pour le process de prendre en compte les problèmes qualité. Il y a de l'échange, du dialogue. Pour le reste, le plus ou le moins, cela dépend des hommes.
  • Les problèmes qualité pour la maintenance, c'est la qualité des matières premières. On cherche à ce que les professionnels de maintenance dérèglent la machine pour pouvoir "fonctionner" si l'on peut dire en fonction de la mauvaise qualité.
  • Que pensez-vous du redécoupage des secteurs de maintenance de l'usine?

  • Le redécoupage, c'est mieux car on ne s'improvise pas maintenance process. Ce qui nous intéresse, c'est le détail du travail à faire, le technique. Si on fait tout, on a l'impression de ne rien faire. Apprendre sur d'autres zones quand on a fait le tour d'une, d'accord, mais travailler dans un secteur qu'on ne connaît pas trop comme avant, non.
  • Ce redécoupage n'est pas assez performant. Maintenant au conditionnement, on est tout-intervenant, mais cela pose des problèmes et les réunions de service sont agitées? Côté process, rien n'est encore en place et cela devrait s'organiser avec le nouveau chef de service. La fusion process-soufflage est difficile car ce sont deux métiers à part et il n'y a pas de formation mise en place pour cette fusion. Sachant qu'il faut deux ans pour former un intervenant au soufflage, si tout le monde s'occupe de tout, on peut être sceptique.
  • Est-ce que le poids des effectifs maintenance vous semble suffisant dans le contexte de l'organisation ARTT?

  • Il y a eu à l'époque de la mise en place des responsables d'interventions deux intervenants supplémentaires embauchés, mais avec les 35h et l'organisation mise en place, il n'y a pas eu d'embauche supplémentaire, alors qu'il y avait un besoin plus pressent avec l'arrêt du lundi matin.
  • Globalement, on nous planifie du travail pour les 8h du lundi matin. Par contre, quand il y a des congés, il y a des problèmes, on n'arrive pas à suivre. Pourquoi ne pas avoir des personnes en job tout l'été. Quand on est tout seul dans une zone en été, c'est pas évident, même si on peut appeler un collègue d'une autre zone. Pour travailler sur certaines machines et pour certaines interventions, il faut être deux. Par contre, les intérimaires maintenance, ce n'est pas la solution. Pourquoi pas faire aussi appel si nécessaire à des salariés en journée pour remplacer en congé?
  • Ce qui peut être un frein est qu'on n'intervient pas au bon moment, à cause de l'ARTT. On n'a pas l'effectif nécessaire le lundi matin pour faire la maintenance de toutes les chaînes, et cela dans tous les secteurs maintenance. Et comme il y a des sanitations, la maintenance se fait sur 4h au lieu de 8h. C'est un frein au bon fonctionnement de l'usine. Ne peut-on arrêter une ligne à la fois pour avoir l'effectif maintenance suffisant? Par exemple arrêter les trois lignes sur deux semaines: F lundi, G mercredi, H lundi suivant et reprendre F mercredi, avec 1/3 de l'équipe matin qui est absente et qui a son repos le mercredi et par roulement, plus des intérimaires ou des embauches supplémentaires ces jours d'intervention? La maintenance pourrait alors être mieux organisée.
  • Il y a un manque flagrant aujourd'hui de personnel. La preuve en est que nous avons une personne en CDD et une personne d'une société extérieure (CTM) depuis plus d'un an, laquelle coûte cher à l'entreprise (équivalent du salaire de plusieurs professionnels de maintenance pour une personne).
  • Les effectifs avec l'ARTT, c'est difficile. Il n'y a pas l'effectif nécessaire en temps et en heure. On met des machines, des machines, mais on ne compte pas les hommes. Peut-être au niveau production, mais pas au niveau maintenance. On gère quand on s'aperçoit qu'il y a trop de retard et on pare au plus urgent.
  • Quelles réflexions faites-vous sur "Maximo"?

  • "Maximo", c'est une bonne chose. L'application "Access", c'était trop léger. "Maximo" est plus complet pour les travaux, les pièces détachées. Il faut oser innover. La mise en route sera délicate par contre. Mais un outil informatique, c'est bien si c'est bien géré.
  • "Maximo", c'est la remise à plat de notre façon de travailler. C'est un nouveau regard sur la façon de travailler de la maintenance et une nouvelle organisation. Cela va obligatoirement engendrer des réorganisations. On gomme tout ce qu'on a fait jusqu'à maintenant et on repart de zéro. Il n'y a pas eu concertation avec la maintenance sur cette nouvelle façon de travailler. On forme sur un nouveau logiciel, mais quelles seront les tâches de chacun, on ne sait pas encore. Les problèmes de l'introduction de "Maximo" et la surcharge de travail ne sont pas encore vus. On donne juste la date du 17 septembre pour que tout passe par "Maximo". C'est un peu de la folie. L'organisation mise en place en début d'année devient obsolète avec "Maximo". Pourquoi n'a-t-on pas mis "Maximo" en test dans un secteur et ensuite l'étendre ailleurs en fonction du rodage et de l'expérience? Les principaux acteurs n'ont pas été consultés. Si les stagiaires organisent l'entreprise, ce n'est pas bon. Les questionnaires faits ne sont pas suffisants. Il aurait fallu repeser le poste et les tâches de chacun. Est-ce que "Maximo" marche ailleurs? N'est-ce pas trop lourd, trop compliqué? Ca va être beaucoup de boulot pour les chefs.
  • Quelle est la réalité de la formation permanente du personnel maintenance?

  • On n'en a plus trop. On nous en a promis, mais on n'en a pas. On ne sait même pas où ça en est. Cela occasionne de la gêne pour les dépannages. Les formations, cela permet d'étoffer ses domaines de compétence et de l'adapter à chaque cas en fonction de ses acquis.
  • La formation est nulle pour le process, c'est le néant. Il n'y a pas de propositions. Il y a des demandes, mais pas de suites données. Cela nuit sur les compétences automatismes, les connaissances machines. Il n'y a plus de formation interne, les nouveaux sont lâchés sur le terrain. Il n'y a plus rien par rapport à ce qu'on a connu. La technique évolue, les machines évoluent, et les hommes régressent par manque de formation. Cela allonge les interventions ou cela les retarde pour avoir les salariés compétents. Aujourd'hui, il a un mélange de métiers et on demande trop aux salariés en voulant qu'ils sachent tout faire. Personne ne peut tout savoir faire. Les salariés n'ont pas les bases pour tout savoir faire.
  • En pratique, tous les professionnels de maintenance ne reçoivent pas la feuille de souhaits de formation, contrairement à d'autres salariés, et alors que c'est le secteur de travail qui en aurait le plus besoin car c'est celui qui est toujours en évolution et qui évolue le plus vite. Le volume des formations n'est pas suffisant et pour en avoir une, il faut se bagarrer. Cela crée des retards au niveau de l'exécution des tâches et la personne se sent régresser dans son évolution de carrière. Du fait que certains ne reçoivent pas les feuilles de demandes de formation, ils ne sont que peu formés, alors que d'autres peuvent être au top.
  • La grille de classification, qui fêtera bientôt ses neuf ans, est-elle performante pour le nouveau millénaire?

  • La grille n'est pas en phase avec la réalité. Le poste maintenance avec la polyvalence, la saisie informatique, l'esprit bureautique, les rapports et les consignes a évolué. La grille n'a pas évolué, elle. Le coefficient professionnel d'emballage PE, c'est le niveau 2 maintenance. Arrêter une machine est une lourde responsabilité. Et pourtant on a quasiment le même coefficient. Le PE est limité, il sait où il doit s'arrêter et il doit faire appel à nous. On nous demande de connaître le fonctionnement de la machine, mais aussi la réparation pour rien en plus en coefficient. La grille est à revoir. Pour la maintenance, il n'y a pas de plan de carrière, à part P1, P2, P3. Peut-on avoir de nouveaux postes après P3? C'est une source de démotivation. On a envie d'évoluer mais on ne voit rien. Il faut des opportunités de carrière. Attendre sa retraite à P3, ce n'est pas motivant.
  • La grille est trop short, trop courte au niveau évolution. Pour les demandes de travail, il n'y a aucune différence entre PM1 et PM2. Il n'y a aucune reconnaissance de qualification. Une personne qui a plus de 10 ans n'est pas plus reconnue qu'une autre qui a 2 ans de société. La reconnaissance du métier, les performances de l'individu ne sont pas assez reconnues. La reconnaissance de la qualité du travail fourni et la motivation de celui qui fait remonter les problèmes et apporte les solutions performantes ne sont pas récompensées. Cela décourage d'avoir cet état d'esprit. On demande de plus en plus en maintenance, mas il n'y a rien mis en place en gratification. On demande le même travail à un P1 qu'à un P3, or vu qu'il n'y a personne qui sache comment différencier le travail, on juge les salariés sans savoir le niveau du travail demandé et le niveau qu'on peut acquérir par expérience terrain et qualification professionnelle. Pour un machiniste, il y a une évolution, mais plus en maintenance. La grille n'est plus adaptée au travail d'aujourd'hui, elle est trop courte. Pourquoi ne permet-on pas d'évoluer dans des corps de métier: automatisme, mécanique, gestionnaire, ...? A la maintenance, on ne veut pas être les oubliés de l'usine. Quand ça ne marche pas, on dit que fait la maintenance, mais quand ça marche bien, on ne veut pas être oublié. Il manque pour les dirigeants de l'établissement un regard sur le passé, on n'est pas sûr d'être bien compris. Il y a une attente pressante de la part de la maintenance. Les salariés attendent une réponse, mais pas dans 2 ans ou en les berçant d'illusions. Quand on nous demande de réparer une machine, c'est de suite et pas dans 2 ans. Ils ne veulent pas des paroles mais du concret et du rapide, à la hauteur de ce qu'on leur demande au quotidien.
  • Si aujourd'hui tous les professionnels de maintenance sont unanimes pour réclamer 10 points de coefficient pour leur salaire, c'est bien le fait que la grille et notamment maintenance est dévaluée par rapport aux autres métiers et cela du fait de l'employeur qui a fait effectivement évoluer un certain nombre de personnes de production, professionnel soufflage, professionnel emballage, ce sur quoi nous nous réjouissons puisqu'elles ont progressé par la maintenance qui les a formés. Mais le problème est que l'employeur en mettant en place les postes avant de les définir dans la grille a fait que des salariés à qui il demandait de faire de la maintenance niveau 1 soient rémunérés au niveau d'un professionnel de maintenance niveau 2 (165). Nous voyons bien là une dévaluation de notre métier nécessaire pour faire tourner l'entreprise car on aura toujours besoin de notre analyse. L'employeur a répondu à une question de délégation du personnel en ce qui concerne les 10 points qu'il ne négocierait pas sous la menace ou sous les ultimatums. La prochaine fois faudra-t-il envoyer des fleurs? Car s'il nous dit qu'il est nécessaire de revoir la grille, ce dont nous convenons, nous demandons à l'employeur de mettre en pratique ce qu'il a fait lui-même pour les professionnels emballage et professionnel soufflage, c'est-à-dire la mise en place d'abord de ces postes et après seulement l'intégration de ceux-ci dans la grille. Donc notre augmentation d'abord et ensuite réévaluer la grille. L'employeur, comme il l'a fait pour les autres postes, peut effectivement faire une présentation en Comité d'établissement. Cela n'empêche pas qu'il doive, pour être juste envers la maintenance, pratiquer comme il a pratiqué pour les autres salariés. Si l'employeur ne souhaite pas arriver à une confrontation, rien ne l'empêche d'utiliser tout ce qui est mis à sa disposition.

  •    top.gif    Dépôt CCE Grigny: 14-août-2001   
       c.gif    Responsable de publication: André PUJOL