LA VERITE SUR LES HORAIRES VARIABLES
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Pourquoi une application d'un choix individuel d'horaires variables tarde-t-elle à se mettre en place à Grigny?
Pour trois raisons:
1o D'abord parce que l'employeur a fait le choix de présenter séparément au Comité d'établissement les horaires par cycles des postés et la possibilité d'horaires variables pour des salariés travaillant en journée. Ailleurs, les consultations se sont faites sans division.
2o Ensuite parce que les intentions de l'employeur ne sont pas claires puisque dans ses projets de rédaction il mêle des règles qu'il prétend appliquer aussi aux salariés en journée qui ne choisiraient pas les horaires variables et qu'il fait du chantage pour ne pas permettre l'application de la demi-heure aux salariés qui la choisissent (alors que si le salarié travaille jusqu'à l'heure affichée après avoir informé sa hiérarchie de son choix de demi-heure, l'employeur fait faire des heures en plus). En ayant charcuté en deux la présentation des horaires variables avec une partie sur les plages fixes et variables et une autre, non encore finalisée, aux débits/crédits d'heures sur l'année, un nouveau retard du fait de l'employeur ne pouvait que se rajouter.
3o Enfin parce que l'employeur cherche à éviter le dialogue avec les syndicats sur ce point. Au début, il a dialogué avec certains syndicats en se conformant à l'accord ARTT pour qui "les choix d'aménagements seront faits parmi les organisations définies dans le présent accord, pour la mise en place locale, après consultation des comités d'établissement et par une information suffisante préalable, et concomittante des délégués syndicaux locaux". Pour la mouture présentée en Comité d'établissement, elle n'a pas été connue des délégués syndicaux, comme si la surprise entrait dans les intentions de l'employeur.
Pourquoi des phrases telles que "un salarié qui dans sa pratique confondrait temps de présence et temps de travail effectif s'exposerait à des sanctions" ou "les salariés qui ne badgent pas pourraient se voir exposés à des sanctions" figurent-elles dans le projet sur les horaires variables présenté au Comité d'établissement de Grigny ?
Parce que, manifestement, l'employeur n'a pas dû encore lire le règlement intérieur de CCB SA qui précise que les salariés doivent se conformer aux horaires de travail affichés dans l'établissement. L'employeur doit le communiquer, en même temps que le contrat de travail, à chaque salarié qu'il embauche. Il n'a pas non plus remarqué qu'il fait signer des "contrats de travail" et non des contrats de présence.
Plus grave, mais là d'un point de vue politesse, ces phrases de menaces de sanctions sont des phrases que les syndicats qui ont négocié l'accord ARTT chez Coca-Cola Entreprise ont écartés des projets de l'employeur, en en faisant une condition de signature. A vouloir nous reservir ce que nous avons écarté comme immangeable auparavant, on se croirait parfois dans une drôle d'auberge.
Comment sera suivi le temps de travail effectif des salariés travaillant en journée ?
Dans le projet de l'employeur, les modalités de suivi ont l'air très compliquées, sans doute parce qu'il voudrait qu'elles concernent les "salariés avec un horaire journée".
Qu'en est-il des cadres travaillant en journée, hors les cadres en forfait jours? L'employeur écrit qu'"il est convenu que le badgeage est utilisé comme moyen de suivi du temps de travail". Et comme il ne parle pas d'auto-déclaratif, c'est sans doute pour l'exclure. En ajoutant que "les salariés qui ne badgent pas pourraient se voir exposés à des sanctions", il a l'air de vouloir imposer le badgeage pour tous: employés-ouvriers, agents de maîtrise et cadres. Si c'est là son intention, pourquoi ne l'a-t-il pas demandé plus tôt, répondant là à une demande d'une partie de l'encadrement. Si ce n'est pas son intention, l'intégration de ses phrases pour des "salariés avec un horaire journée" signifie que l'auto-déclaratif est exclu de l'établissement par l'employeur, ce qui fait qu'il interdirait à la fois le badgeage et l'auto-déclaratif pour les salariés cadres travaillant avec un horaire journée. Qu'on ne compte pas sur des représentants des salariés en Comité d'établissement pour autoriser l'esclavage pour les cadres.
Pourquoi dans le projet de l'employeur des autorisations de sortie avec un règlement sur la "récupération" ou non de ces heures et sur les "cas" autorisés ?
Une sortie avec justification a priori ou a posteriori, c'est souple, mais il y a des cas où on peut ne pas avoir de justificatif écrit dans ceux cités par l'employeur.
- "événement familial grave survenant inopinément": exemple, j'ai un parent âgé à domicile qui tombe du lit et qui déclenche un appel téléphonique automatique de détresse sur mon portable. Examinons les cas prévus par l'employeur.
- "employé malade sur les lieux de travail et regagnant son domicile": si le salarié ne regagne pas le domicile et va directement à l'hôpital, il va falloir d'abord traiter son cas "avec le Service RH". Bonjour l'ambiance.
- "événement familial grave survenant inopinément": si ce n'est pas inopiné mais que l'événement familial grave est attendu ou prévisible, il va falloir d'abord traiter son cas "avec le Service RH". Est-ce que l'événement familial fait référence à l'accord d'entreprise pour les liens de parenté ou au vécu de chacun au niveau famille, on ne le sait.
- "convocation impérative d'une administration": la convocation d'une administration est impérative ou n'est pas. Si le salarié a besoin d'une intervention devant une administration (exemple, je dois contester une décision de la Sécurité Sociale devant un Tribunal), car les délais sont toujours limités, il va falloir d'abord traiter son cas "avec le Service RH". Il y a aussi des administrations comme le Conseil des Prud'homes qui convoquent un salarié juge sans que sa hiérarchie ait besoin de décider si le salarié doit "récupérer" l'absence puisque ces heures sont payables par le Ministère du Travail.
- "soins médicaux réguliers avec accord préalable de la direction": le fait d'ajouter "avec accord préalable de la direction" semble exclure la justification "a posteriori". Il s'agit d'un cas "prévu" par la direction, mais qui va être traité avec la même modalité qu'un cas "non-prévu", c'est-à-dire qu'il va falloir d'abord traiter son cas "avec le Service RH". C'est le serpent qui se mord la queue. Si le salarié a besoin d'une consultation préventive à Paris pour voir un Professeur qui n'a pas d'ouverture de cabinet en dehors des heures de sortie normales du salarié de l'établissement, il n'est pas prévu de disposition, il faudrait attendre d'avoir une maladie bien installée pour avoir des consultations régulières. A moins de devoir se faire traiter "avec le Service RH" avant de se faire traiter par un médecin.
- "heures de délégation": la législation a prévu, pour les salariés qui prennent des heures de délégation en sortant de l'établissement, tous les cas possibles. A moins que l'employeur n'ait prévu de répondre à l'accord-cadre qui prévoit des modalités négociées d'amélioration pour répondre au travail des représentants des salariés dans des établissements fonctionnant en semi-continu comme chez nous. Dans ce cas, c'est avec les syndicats que l'employeur doit négocier et non avec le Comté d'établissement. Et il devra alors reprendre la discussion à partir de la dernière fois où nous nous sommes quittés avec le précédent Directeur.
- "heures de formation avec accord préalable de la direction": d'abord, même remarque que précédemment. Pourquoi le salarié serait-il soumis, s'il accepte une formation, à la menace de récupérer les heures si sa hiérarchie le lui demande? Il ne semble exister que trois types de formation avec accord préalable de la direction: les heures de formation décidées par l'employeur pour améliorer la compétence du salarié et là l'invitation vaut autorisation de sortie, les heures de formation prévues par épargne de jours RTT avec prise en charge par l'employeur des frais de stage, et là aussi le courrier de l'employeur en réponse vaut autorisation de sortie, et enfin les heures de formation économiques, sociales et syndicales ou les heures de formation des conseillers prud'hommes, et là le courrier que l'employeur doit envoyer au salarié vaut également autorisation de sortie. S'il s'agit de créer une autorisation de sortie en plus du courrier d'autorisation de l'employeur, il s'agit alors d'une complexification administrative. Nous commençons à vivre le troisième millénaire. On est à l'ère d'Internet et non à celle des chevaux de poste.
Bref, il n'est pas souhaitable de transformer le "Service RH" en confessionnal, avec obligation de confesse.
Les modalités de prise de pause repas prévues par l'employeur pour les salariés choisissant un horaire variable sont-elles correctes ?
L'accord ne prévoit que deux choses pour la prise de la pause repas pour les salariés choisissant un horaire variable: une fixation en Comité d'établissement de l'heure de "début" de la prise de la pause et une fixation en Comité d'établissement de la "durée maximale" de cette pause repas.
Le projet soumis au Comité d'établissement est tout autre: pour les salariés concernés, c'est-à-dire les salariés qui choisiraient des horaires variables, elle débuterait à 12h. Sa durée maximale n'est pas fixée: on dit simplement que pour plus de deux heures de pause repas, il faut un accord de la hiérarchie. Par contre, au lieu de fixer une "durée maximale" de pause repas, l'employeur prétend fixer une plage variable repas, mais comme elle peut être dépassée, elle ne vise qu'à embêter la majorité des salariés. Avec le système de l'employeur, si je décide une pause repas de 1h, je suis obligé d'aller manger entre 12h et 13, sinon, je suis en infraction, soit parce que je serais revenu au travail à 14h15 en étant allé manger à 13h15, soit, si je décide de prévenir mon supérieur hiérarchique que je n'ai pu prendre que 45mn alors que je prends d'habitude 1h, parce que je n'ai pas pointé à 13h15, je risque la sanction prévue pour ceux qui font varier une pause habituelle sans pointer. A moins que je ne me taise et fasse 15mn de travail supplémentaire.
Toutes ces complications viennent du projet de l'employeur soumis au Comité d'établissement et non de l'accord ARTT qui est simple. Mais quand on cherche à faire passer des choses qui n'ont rien à voir, on ne traite pas correctement les choses dont on est sensé parler.
Les propositions de bornes de plages fixes pour les salariés qui choisiraient des horaires variables sont-elles correctes ?
Lors de la négociation ARTT, nous avons proposé une plage fixe de 5 heures, puisque 40% de son temps, le salarié susceptible de choisir l'horaire variable travaille 7 heures effectifs. L'employeur, en central, a souhaité ne pas descendre en dessous de 6 heures.
Cette exigence de 6 heures peut s'admettre si l'employeur, en local, ne surajoute pas des exigences qui rendent un horaire variable impossible en pratique.
Si l'on regarde beaucoup de salariés en journée, l'heure d'arrivée est 8h et ils prennent de préférence une pause repas de 30mn. Deux jours par semaine sur cinq, ils sortent donc à 15h30. S'ils commencent à faire une heure en plus en début de semaine, ils ne pourraient pas la récupérer en fin de semaine si la sortie obligatoire est à 15h30 et seraient obligés d'attendre le début de la semaine suivante pour avoir une opportunité de récupération, donc d'entamer un crédit/débit limité (mais comme on ne connaît pas la dernière proposition de l'employeur qui a charcuté l'horaire variable en deux pour la présentation en Comité d'établissement, nous n'allons pas plus loin. L'avenir de la récupération peut être bon ou mauvais selon ce que l'employeur a dans ses cartes).
L'embrouille du projet de l'employeur vient d'une liberté qui ne profite à personne et qui est l'heure de plage fixe à 9h30. Si je vais faire une démarche dans une administration à 9h, je ne serai pas à l'usine à 9h30, donc la seule liberté d'arriver plus tard le matin, je ne pourrai pas m'en servir. C'est donc sur le problème du début de plage fixe que l'employeur doit revoir sa copie, d'autant plus que si on consulte les horaires affichés, il n'y a pas de salariés qui arrivent habituellement à 9h30. Donner une liberté à un fantôme, il faut le faire!
Force Ouvrière est-il pour la mise en place, pour les salariés travaillant en journée, d'un horaire variable qu'ils pourraient, individuellement, choisir ou non ?
Force Ouvrière a participé à la négociation d'un accord ARTT et l'a signé. Cet accord prévoit la possibilité de mise en place d'horaires variables après discussion en Comité d'établissement de modalités locales d'un aménagement. Notre organisation a été claire tout le long de la négociation en voulant un accord en central qui comprendrait tout ce qui peut être intégré.
Si on nous présente en local des dispositions d'heures qui ne figurent pas dans l'accord RTT et qu'elles ne peuvent donc pas nous convenir, cela signifie que nous voulons l'application de l'accord ARTT à la différence de l'employeur qui veut faire tout autre chose que ce qui est signé.
Nous voulons une application pour les horaires variables qui puisse être une opportunité individuelle pour la majorité des salariés travaillant en horaire journée.
Nous ne pouvons accepter que sous prétexte d'horaires variables on diminue les libertés existantes de ces salariés alors qu'ils pourraient ne pas vouloir ce type d'horaire variable.
L'employeur prévoit des horaires "plus individualisés" qui seraient examinés "par le hiérarchique en fonction des besoins du service". Tout le problème est que s'il s'agit d'horaires individualisés, le Comité d'établissement est seul compétent pour en permettre l'autorisation: il ne peut pas se démettre de ses responsabilités de représentant des salariés au profit du hiérarchique des salariés concernés
Dépôt CCE Grigny: 26-avril-2000
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Responsable de publication: André PUJOL
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